La fausse lettre du Titanic : Introduction à l’expertise de document

 » 13 avril 1912.

Je jette cette bouteille à la mer au milieu de l’Atlantique.

Nous devons arriver à New-York dans quelques jours.

Si quelqu’un la trouve, prévenez la famille Lefebvre à Liévin.

Mathilde Lefebvre. »

Ces mots ont été écrits à l’encre noire sur un morceau de papier.

Ils semblent avoir été écrits par une jeune passagère du Titanic la veille de son naufrage.

J’ai travaillé en tant qu’experte de document sur cette lettre et mes conclusions sont claires : elle n’est rien d’autre qu’un canular basé sur le vol d’identité d’une gamine morte il y a 111 ans.

Aujourd’hui et pour encore deux épisodes, je vais vous parler de mon travail.

Et mon travail, c’est de traquer les manipulations écrites et d’aider celles et ceux qui en sont victimes… même quand elles sont mortes depuis 111 ans…

(La transcription de l’audio en texte est disponible plus bas)

🟠 L’épisode :

00:00 ⇒  Introduction de l’épisode

01:12 ⇒ Une lettre provenant du Titanic ?

02:15 ⇒ Le contexte de l’analyse de la fausse lettre du Titanic

04:08  ⇒ Introduction de l’analyse

10:40  ⇒ Rejoignez-moi sur la Newsletter du site

11:12 ⇒ Le prochain épisode : Analyse de la lettre : étude des types de graphies

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À chaque épisode, je vous présente une histoire de manipulation et vous propose d’analyser les techniques manipulatoires utilisées.
Chaque épisode se termine par quelques conseils pour éviter les situations de manipulation et en sortir.

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🟠 Je suis Coraline Hausenblas, psychomotricienne Diplômée d’Etat et auteure.
Passionnée par les notions de communication et de relation, je travaille depuis plusieurs années sur les communications manipulatoires.
Je suis aujourd’hui spécialisée en analyse de documents écrits.

🟠 J’ai publié en mars 2022 une analyse d’écriture complète et chiffrée pour prouver que la « lettre du Titanic » est un faux document historique

Vous pouvez télécharger l’analyse scientifique complète ici :

🟠 Transcription de l’épisode :

Une lettre provenant du Titanic ?

On va donc parler aujourd’hui de l’analyse que j’ai rendu publique l’année dernière sur ce qu’on appelle « La lettre du Titanic ».

L’analyse complète est disponible au format pdf sur ce site et je vous encourage à aller la télécharger.

Vous aurez ainsi tout le protocole de l’analyse mais aussi toutes les annexes pour comprendre le contexte de l’époque.

Pendant trois épisodes, on va décortiquer ensemble la lettre signée du nom de Mathilde Lefebvre.

Ce sera l’occasion de comprendre comment on peut mettre en évidence les faux documents historiques et ce sera l’occasion de vous présenter un peu mon métier qui est celui d’expert de documents.

Du mois d’août 2021 à février 2022 j’ai travaillé sur un document qui faisait pas mal de bruit dans la presse : une lettre manuscrite écrite par une jeune passagère présente à bord du Titanic.

Cette lettre était datée du 13 avril 1912, la veille du naufrage du célèbre paquebot.

Quand j’ai eu connaissance de cette lettre ma première réaction a été d’hausser les épaules et de me dire : « Le truc est tellement grossier que personne ne peut croire que c’est une lettre authentique. »

Mais, la signature en bas du court texte a fini par me convaincre qu’il fallait agir.

J’ai donc procédé à l’analyse de texte alors qu’une équipe d’universitaires québécois avaient déjà commencé les analyses chimiques du papier, de l’encre et de la cire qui scellait la bouteille en verre qui contenait le document.

Daniel Bourgault, océanographe québécois, avait lui, déjà rendu ses conclusions d’analyse.

Je n’ai pris connaissance de ces résultats qu’une fois mon analyse de texte effectuée.

C’est comme ça que je travail pour pour garantir l’indépendance de mes expertises.

Si nos résultats menaient à des conclusions très différentes, cela aurait constitué un bon terrain au débat mais… sans surprise, nous sommes arrivés à la même conclusion : l’hypothèse que la lettre soit authentique est très très peu probable.

Analyse de la fausse lettre du Titanic : Introduction

2017. Hopewell Rocks située dans la baie de Fundy. Une bouteille est retrouvée sur une plage par des promeneurs. La bouteille est scellée et sa transparence laisse voir deux petits rouleaux de papier.

La bouteille ramenée par les promeneurs, elle est cassée et les messages sont déroulés.

Il semble qu’une nouvelle bouteille à la mer vienne d’être retrouvée. Mais, il apparaît vite que cette bouteille a plusieurs particularités : elle est écrite par une personne civile , elle est datée (1912) et signée (Mathilde Lefebvre). D’autres éléments dans le corps du texte créent rapidement l’émoi (13 avril 1912, océan Atlantique, New-York, famille Lefebvre, Liévin).

Si le nom du bateau duquel la bouteille est censée avoir été jetée n’est jamais mentionné dans le message, on identifie rapidement que Mathilde Lefebvre était une passagère du paquebot le plus connu au monde : le Titanic. Dès lors, on s’interroge : se pourrait-il que cette lettre, déchirée dans le sens de la longueur en deux morceaux roulés puis déposés dans cette bouteille en verre de 15 cm environ, puisse être un précieux témoignage d’une fillette le jour précédent le naufrage du bateau ?

On comprend aisément l’émotion soulevée lorsqu’une bouteille lancée à la mer est un jour retrouvée. Après tout, ces bouteilles et les messages qu’elles contiennent, sont autant de témoignages du passé qui nous lient subitement à ces personnes, civiles ou professionnelles, qui un jour, ont espéré que leur message soit reçu.

Les bouteilles à la mer sont une forme de communication où l’espoir que le message trouve un destinataire se heurte à la réalité des dangers de le voir détruit à jamais. Symbole romantique d’une communication possible par delà l’espace et le temps. Jeu ludique de voyageurs ou acte de recherche scientifique (à des époques où les moyens technologiques d’études des océans n’existaient pas), les bouteilles jetées à la mer nous émerveillent et nous émeuvent.

Alors, quand l’une d’entre elles, pourrait provenir directement du plus célèbre paquebot de l’Histoire, qui plus est, rédigée par une enfant de presque 13 ans, la veille de sa mort tragique lors du naufrage, on comprend aisément que l’émotion sera décuplée.

L’histoire du Titanic est un fait historique qui passionne de nombreuses personnes à travers le monde. Si cet intérêt a permis l’émergence d’un savoir de plus en plus fourni sur le Titanic, il est aussi un sujet où les passions prennent souvent le pas sur les faits.

Depuis son naufrage, le Titanic a vu naître nombre de récits fantasques. Aujourd’hui, la multiplication des théories du complot à son sujet continue d’alimenter la machine de narration fictive.

Mais si l’histoire peut toujours reprendre ses droits sur les légendes, les questions d’éthique sont centrales lorsqu’il s’agit du traitement réservé aux pièces archéologiques.

De véhéments débats voient régulièrement le jour quant aux conditions dans lesquels les objets issus du Titanic sont prélevés. Si d’aucuns considèrent le paquebot comme une tombe qui ne peut être profanée, il n’en demeure pas moins que le Titanic est devenu un véritable enjeu financier. Toute pièce ayant un lien avec le célèbre paquebot peut être mise en vente dans de célèbres maisons d’enchères, et se vendre contre plusieurs millions de dollars.

L’archéologie ou le monde de l’art ne comptent plus le nombre de faux documents ou de fausses découvertes. L’Histoire n’est malheureusement pas indemne de ces supercheries et fraudes en tout genre.

On peut ajouter que plus un sujet est populaire, plus sa valeur financière est forte, menant à l’instauration de véritables marchés dans lesquels les faux documents côtoient parfois de véritables pièces historiques. Si certaines arnaques sont rapidement identifiées comme telles, certaines mettent parfois des décennies à pouvoir être écartées. La hantise est bien sûr de voir ces canulars vendus à prix d’or ou côtoyer des pièces authentiques dans les musées.

Le caractère extraordinaire d’une découverte ne peut pas être appréhendé uniquement sous le prisme de l’émotion. Un nom écrit en bas d’un document n’est pas forcément la preuve que son auteur est celui qu’il prêtant être. Les tribunaux sont remplis d’affaires d’usurpation d’identité et si les risques judiciaires sont élevés d’usurper l’identité de quelqu’un de vivant, il peut paraître moins risqué d’usurper l’identité d’une personne décédée depuis 109 ans. Plus grande la découverte, plus grand doit être le courage de sortir de l’émotion pour entrer dans l’analyse.

Mon parcours dans l’expertise de document est atypique. Diplômée d’État en Psychomotricité et titulaire d’une L3 en psychologie, j’ai continué à me former à la linguistique médico-légale et à la psychologie criminelle.

Mon travail regroupe donc plusieurs champs de compétence : la psychologie, l’anatomie, la physiologie, et la linguistique.

Mais surtout, mon travail c’est de comprendre ce que sont les manipulations et comment elles sont véhiculées dans nos communications en général et nos communications écrites en particulier.

Mon travail c’est donc de faire « parler » un document, d’extraire toutes les informations qu’il contient pour trouver toutes les failles et mettre en évidence les procédés manipulatoires qui le sous-tendent.

Dans le cadre de l’expertise de la lettre attribuée à Mathilde Lefebvre, l’analyse de document a été effectuée sous le prisme des connaissances historiques sur le développement de l’apprentissage de l’écriture en milieu scolaire français et des connaissances actuelles sur le développement neurologique et psychomoteur de l’écriture en vue de répondre à la question suivante :

La lettre manuscrite attribuée à Mathilde Lefebvre, peut-elle avoir été écrite par une jeune fille âgée de presque 13 ans le 13 avril 1912 ?

Si vous souhaitez continuer la discussion sur la question des victimes dans les processus manipulatoires, je vous retrouve tout de suite sur la Newsletter du site.

C’est sur cette Newsletter que je vous donne encore plus d’informations, de conseils lectures et surtout c’est là que vous pouvez me poser vos questions et proposer vos idées d’épisodes.

A tout de suite !

Dans le prochain épisode, on va continuer l’analyse de la lettre.

On va plonger directement dans la première partie d’analyse qui a porté sur l’étude des graphies des lettres alphabétiques.

Je vous retrouve donc jeudi de la semaine prochaine pour poursuivre notre exploration dans le monde de la manipulation écrite et de celles et ceux qui la traquent.

En attendant, je vous remercie d’avoir écouté cet épisode et n’oubliez pas :

« Un grand bobard, commence toujours par une petite histoire. »

L’épisode consacré à la première partie d’analyse est disponible ici

L’épisode consacré à la deuxième partie d’analyse est disponible ici

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